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La fin de la publicité (telle qu’on la connaissait) avec Thomas Husson

François Pichon
La fin de la publicité (telle qu’on la connaissait) avec Thomas Husson');
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Nous parlons aujourd’hui du dernier rapport de Forrester par Johnston et Mc Quivey, sur le sujet de la publicité. Comment peut-on décrire ce qui se  passe aujourd’hui dans le monde de la publicité digitale ?

Il y a aujourd’hui un manque assez net de transparence et de visibilité pour les annonceurs sur le fonctionnement du monde publicitaire. Comme nous l’avons mentionné dans le rapport, rien que sur le marché américain, sur les publicités en « display », il y a eu une perte de 7,4 milliards de dollars

On commence à voir aujourd’hui de grands annonceurs, notamment le directeur marketing de Procter & Gamble, qui disent qu’il est temps maintenant d’agir, de passer à autre chose. En outre, on observe un certain ras-le-bol des utilisateurs, car il y a trop de publicité, d’où le phénomène d’ad-blocking. Enfin,  on commence aussi à sentir du côté des annonceurs, que ça grogne de plus en plus.

Il y a donc un paradoxe : les dépenses publicitaires montent, mais l’efficacité baisse

Les dépenses publicitaires continuent à augmenter en effet, car les consommateurs passent beaucoup de temps sur Internet, sur leurs mobiles, et il y a donc un effet de rattrapage par rapport à d’autres types de publicités traditionnelles. En ligne, la situation n’est pas uniforme, certaines mécaniques fonctionnent bien et d’autres plus mal. Mais au-delà de ça, l’idée n’est pas de forcément réinventer de nouveaux formats  mais de faire le constat que le rôle de la publicité a évolué. Les consommateurs ont accès plus facilement à l’information, la publicité joue donc moins son rôle d’information produits, il y a d’autres moyens pour entrer en contact avec les consommateurs.

Ce rapport ne dit pas que c’est la fin de la publicité, mais la fin de la publicité telle qu’on l’a connue ces dernières années. De nouveaux modèles vont être inventés, et il vaut mieux sans doute, pour une marque, diminuer de 10 % son budget sur des bannières, et le reverser sur la numérisation de sa relation client, par exemple, sur de l’émotionnel, sur de l’expérientiel, parce que, en fin de compte, c’est ce que les consommateurs demandent aujourd’hui.

Sur du contenu peut être aussi, sur de l’inbound marketing ?

Tout à fait, sur du contenu, sur du « branded content », sur une approche plus expérientielle, plus servicielle. Du fait de la dominance du digital, et du mobile, les consommateurs ont des attentes fortes. Ils veulent qu’on réponde quasiment en temps réel, en fonction du contexte, en fonction de leurs besoins, et ça passe beaucoup plus par du serviciel, du contenu, et au final l’expérience client : en un mot, moins de promesses et un peu plus de preuves.

Pourtant, aux débuts de l’Internet, Seth Godin a sorti en 1999, son ouvrage « Permission marketing ». Les  marketeurs ne sont-ils pas passés à côté de quelque chose pendant une vingtaine d’années ?

Je pense que c’est un écosystème qui s’est créé progressivement. C’est encore assez récent,  nous sommes dans un phénomène de bascule. Google et Facebook dominent le marché de la publicité aujourd’hui dans le monde, en particulier sur le mobile, le marché est extrêmement concentré. Mais ils ont su créer des interruptions publicitaires moins gênantes, ou qui l’étaient moins jusque-là. Le search rend service aussi.

Mais sur certains types de formats, il suffit d’ouvrir une application mobile par exemple, et la première chose qu’on fait est d’attendre que la publicité se charge pour avoir le contenu qu’on recherche.

Donc passer à autre chose, je ne sais pas …

Ceci étant, cela  prend du temps de numériser une relation client. Certaines marques le font très bien, comme Nike ou Amazon. Des GAFAM, Amazon est probablement le plus disruptif car contrairement à Google ou à Apple ils ont réussi à numériser leur relation client. Ils font vraiment du serviciel, de la recommandation produit, de la livraison en 1h. C’est, parmi les géants d’Internet, celui qui commence également à développer une alternative à Google ou Facebook qu’il faudra, à mon avis, prendre très au sérieux.

Les principales plates-formes comme Google ou Facebook vivent essentiellement de la publicité, à plus de 90 % pour Google. Leur modèle est-il cassé ? Va-t-on les voir perdre un peu de leur influence ?

On n’en est pas encore là, car ils restent encore en forte croissance, mais il est vrai qu’ils vont probablement pivoter vers un modèle économique un peu différent. On peut imaginer qu’ils adoptent davantage une logique d’intermédiation.

La raison d’être de Google aujourd’hui est d’être un intermédiaire entre la marque et le consommateur. Aujourd’hui 20 % des requêtes sur Android se font sur du vocal, donc si on passe à 50 % demain ce ne sera pas forcément sur une logique publicitaire.

On peut imaginer une intégration avec des moyens de paiement, avec d’autres formes de monétisation de la donnée. Tout ça se construit, nous sommes sur des ruptures technologiques qui font que les usages sont là avant l’arrivée du cadre réglementaire, et même parfois avant qu’on ait trouvé le modèle économique.

Tout cela met un peu de temps à se construire, mais il est sûr que ces ruptures technologiques et les nouvelles technologies qui arrivent, notamment avec ce qu’on appelle l’intelligence artificielle,  vont changer la donne dans les années à venir et permettre certainement d’inventer de nouveaux modèles économiques. Cela permettra également à de nouveaux entrants d’arriver sur ce marché qui paraît si verrouillé aujourd’hui.

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Nous parlons aujourd’hui du dernier rapport de Forrester par Johnston et Mc Quivey, sur le sujet de la publicité. Comment peut-on décrire ce qui se  passe aujourd’hui dans le monde de la publicité digitale ?

Il y a aujourd’hui un manque assez net de transparence et de visibilité pour les annonceurs sur le fonctionnement du monde publicitaire. Comme nous l’avons mentionné dans le rapport, rien que sur le marché américain, sur les publicités en « display », il y a eu une perte de 7,4 milliards de dollars

On commence à voir aujourd’hui de grands annonceurs, notamment le directeur marketing de Procter & Gamble, qui disent qu’il est temps maintenant d’agir, de passer à autre chose. En outre, on observe un certain ras-le-bol des utilisateurs, car il y a trop de publicité, d’où le phénomène d’ad-blocking. Enfin,  on commence aussi à sentir du côté des annonceurs, que ça grogne de plus en plus.

Il y a donc un paradoxe : les dépenses publicitaires montent, mais l’efficacité baisse

Les dépenses publicitaires continuent à augmenter en effet, car les consommateurs passent beaucoup de temps sur Internet, sur leurs mobiles, et il y a donc un effet de rattrapage par rapport à d’autres types de publicités traditionnelles. En ligne, la situation n’est pas uniforme, certaines mécaniques fonctionnent bien et d’autres plus mal. Mais au-delà de ça, l’idée n’est pas de forcément réinventer de nouveaux formats  mais de faire le constat que le rôle de la publicité a évolué. Les consommateurs ont accès plus facilement à l’information, la publicité joue donc moins son rôle d’information produits, il y a d’autres moyens pour entrer en contact avec les consommateurs.

Ce rapport ne dit pas que c’est la fin de la publicité, mais la fin de la publicité telle qu’on l’a connue ces dernières années. De nouveaux modèles vont être inventés, et il vaut mieux sans doute, pour une marque, diminuer de 10 % son budget sur des bannières, et le reverser sur la numérisation de sa relation client, par exemple, sur de l’émotionnel, sur de l’expérientiel, parce que, en fin de compte, c’est ce que les consommateurs demandent aujourd’hui.

Sur du contenu peut être aussi, sur de l’inbound marketing ?

Tout à fait, sur du contenu, sur du « branded content », sur une approche plus expérientielle, plus servicielle. Du fait de la dominance du digital, et du mobile, les consommateurs ont des attentes fortes. Ils veulent qu’on réponde quasiment en temps réel, en fonction du contexte, en fonction de leurs besoins, et ça passe beaucoup plus par du serviciel, du contenu, et au final l’expérience client : en un mot, moins de promesses et un peu plus de preuves.

Pourtant, aux débuts de l’Internet, Seth Godin a sorti en 1999, son ouvrage « Permission marketing ». Les  marketeurs ne sont-ils pas passés à côté de quelque chose pendant une vingtaine d’années ?

Je pense que c’est un écosystème qui s’est créé progressivement. C’est encore assez récent,  nous sommes dans un phénomène de bascule. Google et Facebook dominent le marché de la publicité aujourd’hui dans le monde, en particulier sur le mobile, le marché est extrêmement concentré. Mais ils ont su créer des interruptions publicitaires moins gênantes, ou qui l’étaient moins jusque-là. Le search rend service aussi.

Mais sur certains types de formats, il suffit d’ouvrir une application mobile par exemple, et la première chose qu’on fait est d’attendre que la publicité se charge pour avoir le contenu qu’on recherche.

Donc passer à autre chose, je ne sais pas …

Ceci étant, cela  prend du temps de numériser une relation client. Certaines marques le font très bien, comme Nike ou Amazon. Des GAFAM, Amazon est probablement le plus disruptif car contrairement à Google ou à Apple ils ont réussi à numériser leur relation client. Ils font vraiment du serviciel, de la recommandation produit, de la livraison en 1h. C’est, parmi les géants d’Internet, celui qui commence également à développer une alternative à Google ou Facebook qu’il faudra, à mon avis, prendre très au sérieux.

Les principales plates-formes comme Google ou Facebook vivent essentiellement de la publicité, à plus de 90 % pour Google. Leur modèle est-il cassé ? Va-t-on les voir perdre un peu de leur influence ?

On n’en est pas encore là, car ils restent encore en forte croissance, mais il est vrai qu’ils vont probablement pivoter vers un modèle économique un peu différent. On peut imaginer qu’ils adoptent davantage une logique d’intermédiation.

La raison d’être de Google aujourd’hui est d’être un intermédiaire entre la marque et le consommateur. Aujourd’hui 20 % des requêtes sur Android se font sur du vocal, donc si on passe à 50 % demain ce ne sera pas forcément sur une logique publicitaire.

On peut imaginer une intégration avec des moyens de paiement, avec d’autres formes de monétisation de la donnée. Tout ça se construit, nous sommes sur des ruptures technologiques qui font que les usages sont là avant l’arrivée du cadre réglementaire, et même parfois avant qu’on ait trouvé le modèle économique.

Tout cela met un peu de temps à se construire, mais il est sûr que ces ruptures technologiques et les nouvelles technologies qui arrivent, notamment avec ce qu’on appelle l’intelligence artificielle,  vont changer la donne dans les années à venir et permettre certainement d’inventer de nouveaux modèles économiques. Cela permettra également à de nouveaux entrants d’arriver sur ce marché qui paraît si verrouillé aujourd’hui.






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